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5 février 2018 1 05 /02 /février /2018 01:06

Ma grand-mère disait, sans doute à juste titre, que j’étais vaniteuse et orgueilleuse. C’était à la suite de mes refus systématiques à l’accompagner chez ses patrons les jours où je n’allais pas à l’école.

Elle y travaillait en qualité de cuisinière, elle n’était ni domestique, ni femme de ménage, non ! Juste cuisinière et de cet emploi elle tirait une grande fierté. Pas moi.

Les jours où elle réussissait à me traîner de gré ou de force chez les « Clarou » j’y vivais des heures éprouvantes. J’avais honte de la voir se démener devant les fourneaux pour nourrir cette bande de plus ou moins aristos que je ne pouvais pas blairer. Il y avait Monsieur le Docteur, Madame et leurs quatre garçons plus débectants les uns que les autres !

Celui qui me rendait dingue était le plus jeune fils, il avait 6 ans soit deux de moins que moi et l’appelait « Marie » lui donnant des ordres tandis qu’elle obtempérait en lui disant « oui Monsieur Philippe »

Je t’en foutrai des « Monsieur Philippe » ! Je fulminais mais fermais ma gueule car elle avait la main leste et lourde !

C’est ainsi qu’un jour je décidais de la venger, elle lui préparait à bouffer. J’échafaudais un plan imparable !

 

Le Vigan est un joli village de montagnes douces et rondes

Au cœur des Cévennes, un village mignon comme tout mais bien pauvre où la seule industrie de l’époque était une grande fabrique de bas de soie où travaillaient pratiquement tous les viganais et ceux des hameaux alentours. Les cousines de ma grand mère y exerçaient leur talent de remailleuses.

« Il s’agit d’une temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître »

J’ai eu plusieurs fois l’occasion d’y revenir depuis car mon jeune père « mort pour la Patrie » à 26 ans, après son père idem à 27 durant la première guerre mondiale ! Ce qui fait quand même un peu beaucoup ! C’est là qu’ils sont inhumés au cimetière avec tous les honneurs de la République, leurs noms sont même gravés dans le marbre du monument aux morts ! Et ça leur fait une belle jambe ! Mais bon par principe je leur apporte de temps à autre un chrysanthème.

Donc par les temps qui courent au Vigan un peu comme partout dans les campagnes il n’y a plus de boulot ni pour les aînés, ni pour les jeunes, par conséquent exit les usines et les bas de soie !

Mais là je m’égare, revenons à mon propos.

Dès le printemps se produisait la transhumance, tous les bergers alentours conduisaient leurs troupeaux de brebis, moutons, et chèvres vers les montagnes. Ils étaient obligés de traverser notre village à grand bruit de sonnailles ce qui était une véritable attraction, nous sortions devant nos portes pour les regarder et les saluer dans une joyeuse ambiance  en leur souhaitant le meilleur qui soit durant tout l’été.

Seul petit problème après leur passage les rues n’étaient plus qu’une constellation de déjections dont paradoxalement  je ne trouvais pas l’odeur si déplaisante que ça ! Comparé à celle des humains c’était du Lancôme ou du Guerlain !

C’est justement un de ces jours là que me vint l’idée sans doute la plus géniale de toute ma vie !

En catimini je recueillis une jolie petite provision de pétoulets (c’est le nom donné aux crottes des moutons ou même des lapins)  et les mis à sécher bien à l’abri des regards dans un coin de la terrasse.

Chaque jour j’en vérifiais l’état de maturation, elles devaient être sèches mais pas trop.

Ma grand-mère consommait des pastilles Valda et en conservait les boites vides. Le jour J armée d’une de ces boites justement je grimpai dare-dare sur la terrasse avec le paquet de sucre glace vanillé. L’opération fut simple, rapide et jouissive.

Mes pétoulets saupoudrés auraient ouvert l’appétit du plus réservé des gourmands !

Ce jour là c’est le cœur en joie que je suivis mon aïeule jusqu’à son boulot et attendis « Monsieur Philipe » de pied ferme.

Le jeune merdeux arriva avec son air con et sa vue basse pour donner quelques ordres à « Marie «  c’est alors qu’avec l’air le plus angélique qui soit je dégainai ma boite de Valda !

Ses yeux se mirent en roulement libre ! Je buvais du petit lait ! 

Il enfourna une demi douzaine de pétoulets et commença à les mâchouiller consciencieusement jusqu’au moment où il poussa un cri d’horreur et de dégoût tout en dégueulant cette infâme bouillie et déguerpit à fond du salon pour se plaindre à sa chère maman !

La suite se continua dans la cuisine chez ma grand-mère mais la raclée que je reçue ne m’a même pas endolorie tant j’étais auréolée de grâce, de sérénité et de bonheur !

Je ne suis plus jamais allée chez les Clarou, je n’ai plus jamais revu « Monsieur Philippe » je venais tout simplement de gagner mon premier combat pour la dignité humaine, celle des classes pauvres et laborieuses.

J’étais devenue Socialiste pure et dure digne des plus grands comme Jean Jaurès par exemple !

 

Jos    

 

 

 

      

 

 

 

  

 

 

 

 

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