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16 avril 2018 1 16 /04 /avril /2018 01:30

Quand je nichais mes doigts sous les siens miraculeusement plus rien ne me faisait peur, ni le noir, ni le tonnerre ou les éclairs ! Je me savais alors en totale sécurité, absolument sûre et certaine que rien de fâcheux ne pourrait m’arriver. J’aimais cheminer à ses côtés, par tous les temps elle m’entraînait dans de longues balades. Parfois nous allions flâner sur les bords de la Garonne et même grimper jusqu’au sommet du Bout du Puy ! Nous chantions et rions, alors je trouvais la vie merveilleusement belle ! C’était encore une époque normale où les étés ressemblaient vraiment à des étés, où chacune des saisons était bien déterminée. Une époque formidable !

C’était le bon temps, les temps heureux de mon enfance.

J’étais née dix ans après elle, c’était ma grande sœur je l’aimais et l’admirais. Quand venait l’heure du coucher je m’étendais auprès d’elle dans son grand lit profond, posais ma tête sur son épaule toujours accueillante, c’était doux et rassurant. Sans même que je le lui demande elle me fredonnait doucement les chansons que préférais et me racontais aussi des histoires extraordinaires, des histoires de rois, de reines, de fées, de princesses et même de diables effrayants porteurs de longues cornes ! Là je me cachais sous les draps en faisait semblant de trembler ! Nous partions alors dans de grands éclats de rire d’autant plus qu’elle me faisait des chatouilles sous les pieds et j’adorais ça ! Elle écrivait des poèmes rien que pour moi toute seule et quand elle me les lisait j’étais submergée d’émotion, je n’aurais donné ma place pour rien au monde.

Oui, c’était le bon temps et pourtant celui où l’on a hâte de grandir parce qu’on ne sait pas encore combien chaque jour est une merveille, combien chaque jour passé ne reviendra plus jamais et combien on a de la chance d’être petit !

Mais ces dix années de différence ont fini par nous séparer. Un jour elle a rencontré  « L’Homme de sa vie » disait-elle, il est devenu sa priorité, dès lors c’est avec lui qu’elle allait se promener, elle ne chantait que pour lui, il était devenu son essentiel et moi je n’étais plus sa priorité. J’ai eu beaucoup de chagrin mais elle était tellement amoureuse qu’elle ne s’en apercevait même pas et je ne lui montrais pas ma peine de crainte d’altérer son bonheur.

Très vite ils se sont mariés, très vite ils ont décidé de s’expatrier en Afrique.

Elle avait 23 ans et moi 13. Elle n’a jamais cessé de m’écrire, chacune de ses lettres me comblait de joie. De temps à autre elle m’envoyait un poème rempli de jolis mots et d’amour.  

Aujourd’hui bien des années après nous avons toujours la même différence, nos dix ans d’écart ne se sont pas évaporés ! Je suis toujours sa petite sœur seulement maintenant elle est plus fragile que moi, bien plus vulnérable, c’est un peu comme si le temps s’était inversé. Notre mère avant de tirer définitivement sa révérence m’a recommandé de bien veiller sur elle, ce que je fais de mon mieux.

Mais il me suffit de fermer les yeux pour revoir à travers mes larmes s’agiter la longue et belle main de ma sœur tandis que le train s’éloignait de la gare l’emportant elle et son mari bien loin de nous, beaucoup trop loin de moi…

Longtemps j’ai couru derrière ce vilain train gris et bruyant, sous une pluie glaciale, jusqu’à ne plus voir qu’un vide absolu et n’entendre plus que le silence hormis les battements douloureux de mon cœur.

 

 

     

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